NEPAL (Solukhumbu), de Jiri à Namche Bazar (du 02/01/2009 au 10/01)

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« Bienvenue au pays Sherpa »

 


6 heures du matin, les bus klaxonnent jusqu’à épuisement. Nous sommes à la recherche du bus express pour Jiri qui, d’après les infos, évite les 12 heures interminables de route, véritable enfer pour certains… Dans ce remue-ménage nous prenons à la dernière minute les derniers « sièges » et, une fois à l'intérieur, nous comprenons notre douleur. Nos places sont tout au fond, ce qui n’est pas si grave sur les routes asphaltées de France, mais la route pour Jiri, ce sont des virages, encore des virages, agrémentés de bosses, nid de poules et camions à contre-sens !

 



Les Népalais ne doivent pas souvent prendre le bus (à vrai dire il y a si peu de routes !) car tout le monde est rapidement malade : « plastic bag ?! » pour la dame à droite et un autre pour le monsieur à gauche, nous sommes encerclés de « vomisseurs » qui accumulent sacs sur sacs ! Barbara n’en peut plus et préfère s’asseoir devant, calée sur un sac de patates, avant de faire partie du lot ! C’est « express » en effet, après 6 heures de rallye, à Jiri nous prenons l’après-midi pour récupérer de cette expérience.

 

“Sherpa Guest House” sera notre « refuge » pour la nuit, avant de partir sur le chemin qui mène à Namche Bazaar en 8 jours. Le lendemain nous commençons la marche en compagnie de Christophe et Sandra un couple de Nouvelle-Calédonie, qui se remettait de leur « 12 heures de bus » dans le même lodge que nous.

Nous empruntons des traces qui coupent la grande piste qui mène à Bandhar. Nous n’avons que peu d’infos sur la route jusqu'à Namche. Nous savons toutefois que les Sherpas, porteurs népalais, sont plus fréquents que les touristes sur ce chemin. Ils assurent le transport des marchandises en aller-retour non-stop entre Jiri et Namche, chargés comme des mules en groupe ou en solo. Dès le départ nous faisons déjà la route avec certains d’entre eux. L’autre info est que notre route nous promet plus de 10 000 mètres de dénivelée, vu que nous avons, entre-autres, trois cols à passer !

 


Et nous voici à la fin de cette première journée, avec nos 1400 mètres de montée dans les jambes, dans un charmant petit lodge juste avant Bandhar. Quel plaisir de retrouver la tranquillité de ces petits coins de paradis, où les fleurs sont toujours présentes malgré l’hiver. Le lendemain lorsque nous repartons, nous longeons paisiblement les murets sur le sentier recouvert de pierres et de verdure, vieux chemin qui témoigne du passage du temps et des trekkers ! Nous croisons des locaux qui préparent leur popote, le « djido » : une tsampa rouge faite à base de millet. Avec sa couleur marron, et son apparence pâteuse cela nous rappelle plutôt autre chose… Mais quand on a faim ça doit être bon !

Après la côte c’est la grande descente vers Sete. Les gens nous sourient, nous n’avons même pas besoin de demander la route, ils nous l’indiquent spontanément : on ne peut pas trouver plus serviable. Sûrement qu’au pays des Sherpas on « obéit » encore plus à la règle Bouddhiste qui est de ne jamais mettre quelqu’un vers la mauvaise direction… Il fait chaud, le matin nous sommes en tee-shirt à longer la colline, traverser les forêts de pins, puis à midi le ciel se couvre, le vent se lève et le froid revient vite. L’après-midi se résume à trois heures de montée jusqu'à Sete, où n’avons cessé de doubler les porteurs qui s’arrêtent toutes les 5 minutes vu la charge de leur fardeau : jusqu'à 100 kilos ! Nous nous arrêtons à la première guest house, où nous arrivons à obtenir la chambre gratuite (hors-saison touristique TOUT est négociable). Ce qui n’est pas une mince économie vu que les prix, ici encore abordables, s’élèvent au fur et à mesure du chemin. La femme de maison, Tibétaine est honorée par le temps que nous passons avec son mari handicapé, elle pense peut être que nous avons le remède pour le soigner. Celui-ci est paralysé d’un côté depuis 6 mois et Maud, très persuasive lui donne l’unique remède que nous possédons : la motivation. Elle le pousse à marcher, prendre l’air et voir des amis, et surtout ce serait bien mieux s'il était logé en bas et pas au deuxième étage !

 

Du coup, nous sommes très copieusement servies au repas ; autour du feu qui crépite, nous savourons le « veg fried rice ». Maud s’amuse à leur apprendre des mots chers à son cœur : « frites mayo », que les enfants répètent « fritt malloo », on aura tout vu !

 

 

Départ  sous les nuages, cette fois nous continuons à monter vers le « Langmu la », col à 3530 mètres d’altitude qui promet d’être frileux… Sur le chemin nous croisons un jeune porteur de 11 ans. Barbara l’interroge, il va a l’école dit-il, mais quand se demande t-on ? Son panier en osier pèse 30 kilos, ce bonhomme haut comme trois pommes fait peine à voir en suivant son père et son frère tout aussi fatigués. Quelle vie de résignation : Sherpa tu naît Sherpa tu seras !

 


Au bout de 4 heures de marche, nous approchons du col où la neige a remplacé la verdure. Cela nous fait penser aux chanceux qui s’éclatent au ski en Europe, et on prend du plaisir à crapahuter sur cette trace blanche, malgré la route verglacée... Et hop, une glissade pour Maud !

Nous mangeons au col, puis sans attendre nous redescendons de l’autre côté, où la chaleur nous laisse pénétrer dans une forêt dense, décidément cette région est pleine de contrastes.


 




Déjà dans la descente nous apercevons le prochain col qui nous attend, ça va continuer longtemps ce manège ? La jungle, les porteurs et puis le chemin rejoignent la vallée où les maisons apparaissent. Nous passons à gauche des pierres Manis, recouvertes de mousse, les gravures à peine visibles, elles ressemblent à des pierres tombales. Le soir nous sommes à Junbesi, un village pittoresque où, de loin, les toits colorés en jaune, vert ou rouge, attirent l’œil. Avant de se poser dans un lodge, nous faisons un détour par la Gompa où les lamas nous offrent gentiment le thé. Il fait très froid et la neige tombera cette nuit-là…


 

En route pour Nunthala le matin suivant ; nous avons encore une fois un col à passer avant d’y arriver. « C’est quoi cette poubelle verte en plastique qui gâche les photos ?! ». Mince, cela fait une éternité que nous n’avions pas vu de poubelles « modernes » et pourtant nos réflexes occidentaux reviennent vite. C’est plutôt une bonne chose en fait, dans la région du Solu Khumbu comme dans les Annapurnas, la préservation de l’environnement semble être une réelle préoccupation.




Nous nous amusons à utiliser des mots mnémotechniques pour nous souvenir des divers villages que nous croisons : « Nutella » pour Nunthala, « Coca-Cola » pour Karikola, « Zimbabwe » pour Junbesi (c’est une idée de Maud, ce qui fait bien marrer Barbara) et pour Bandhar on vous laisse deviner !!!

 

 



Selon notre dernier hôte, nous devrions être à Ringmo en deux heures, mais après avoir traversé la forêt sombre et encore gelée, longé la colline à flanc, au bout du troisième virage et malgré la vue large et lointaine, toujours rien à l’horizon. Enfin au bout de deux heures nous apercevons Ringmo qui, en fait nous prendra plus de trois heures de route. Avant cela, au vu de la distance, nous faisons une pause thé dans une petite maisonnette locale comme il y en a partout sur le chemin (et vu que ce sont des chemins fréquemment utilisés par les locaux, tout est disponible sur la route).


A Ringmo, nous faisons la pause repas : omelette, pain et biscuits. Nous repartons pour passer le col de Takshundo et en moins d’une heure nous crions joyeusement « La Gyalo De Tamtse Tchou » (« Les Dieux sont vainqueurs, les démons sont vaincus », A.D.NEEL), sous l’arche qui indique les 3070 mètres de son sommet. Devinez la suite... Deux heures de descente raide sur des pierres glissantes, humidifiées par les petits ruisseaux qui coulent à travers la jungle. Nous arrivons à Nunthala à 2200 mètres d’altitude, avec les habits moites et puants après cette journée de marche intense. Quelques  groupes de porteurs sortent des échoppes locales, eux puant l’alcool, ils continueront encore certainement jusqu’après la nuit... Nous sommes bien logées à « Tiny Guest House », petit hôtel jaune qui nous a tapé dans l’oeil et qui, comme son nom l’indique, possède de petites chambres mais coquettes. Comme dans chaque lodge, nous sommes souvent assises près du  feu et faisons connaissance avec les femmes et les filles de la maison. Toujours les mêmes questions et réponses sur nos statuts respectifs « batcha » (des enfants ) nous demandent-elles ? « tsayna » (non !), « biha ? », « tsayna », « hoooo », nous font-elles d’un air triste comme si on était définitivement foutues. Maud s’empresse de rajouter « freedom !!! » et à ce moment-là elles acquiescent par un énorme sourire et ne semblent plus du tout nous plaindre !


 

Le lendemain, le soleil brille et la route est agréable malgré les montées et descentes qui recommencent. Les villages sont vivants et les gens toujours aussi chaleureux, il y a moins d’agressivité ici, peut-être parce que les touristes sont moins fréquents, ou alors simplement parce que les Sherpas et autres castes locales sont plus humbles et tolérants. Nous mangeons à Karikola, où Barbara, prise d’un envie de « dahi » (yaourt local), en trouvera avec succès après avoir fait le tour de toutes les maisons ! Depuis le début nous découvrons de nombreuses Gompas, toutes plus jolies les unes que les autres, souvent en haut des cols, un peu à l’écart, les drapeaux flottant au dessus des toits rouges et des moulins à prières. Les lamas sont peu nombreux en cette période de vacances, mais il y en a toujours un pour nous accueillir.

 



Nous remontons vers le col de Kari, doublant les porteurs en pause pour changer de chemise, boire un coup ou jouer au « kitty », jeu pratiqué dans tout le Népal. Nous faisons toujours nos pauses thé et pain népalais (sorte de beignet) dans les petits bouis-bouis et stoppons en fin de journée, peu avant le dernier col, à bout de force après ces ultimes montagnes russes. Surprise ! peu avant la nuit, Barbara s’aperçoit que Maud discute avec
un... touriste ! Le premier depuis notre départ, Bob d’Alaska fait la route avec Charles, Québecois vivant près des Rocheuses dans l’Ouest Canadien. « C’est encore loin jusqu’au village en bas ? », demande Bob. « Oh vous n’aurez pas le temps, la nuit va tomber vous n’avez qu’à rester là » explique Maud, qui en rajoute un peu... Et Barbara, tel un prédateur devant sa proie, en rajoute une couche : « on pourra discuter voyages, cela fait un moment que nous n’avons pas vu de touristes ». Il faut croire que la compagnie nous manque à toutes les deux, car sans se concerter, nous étions chacune bien décidée à passer la soirée avec ces passants providentiels. Très agréable soirée où nous en apprenons plus sur le trek et aussi l’Alaska et le Canada, où la nature et les montagnes sont elles aussi des appels à l’aventure.

Le matin, pendant le petit déjeuner Charles fait son apparition : vêtu d’un collant bleu moulant, le bonnet sur la tête, mains sur les hanches, il nous lance  avec son accent québecois : « beau matiiiin ». Nous sommes à deux doigts d’exploser de rire, mais nous nous abstenons. « On dirait un bûcheron sorti des bois non ? Charmants, vraiment charmants ces Canadiens ! ».



Cette fois nous attaquons le dernier col, ce qui ne va pas nous empêcher de continuer à monter par la suite ; il faut bien après tout, nous allons vers « le toit du monde ». Après le « Kari la », nous apercevons Lukla, à la même hauteur que nous, sauf que, avant d’y arriver il faut redescendre à Surke, puis tout remonter... Les avions nous survolent à la même heure tous les matins, c’est le même spectacle depuis Jiri, sauf que cette fois nous voyons presque l’atterrissage.

Sur la route, les Sherpas marchent d’un pas pressé, ils doivent être à Namche pour le marché, ça tombe bien, le samedi c’est aussi le jour où nous prévoyons d’arriver. Leur « hotte » est chargée de biscuits, sel, riz, oranges, briquets, kérosène, et certains portent même de gros morceaux de viande. Boucherie ambulante : le gigot calé contre le dos, les pattes contre la tête, et l’odeur pendant des jours. Vu l’hygiène cela incite Barbara à rester végétarienne, tandis que Maud, carnivore sans  complexe, demande quelle est viande dans le panier : « de toute façon, vu que c’est grillé, bouilli et rebouilli, pas de risques de microbes » ! Métier difficile où, après avoir questionné l’un d'entre-eux nous apprenons le montant de leur salaire : une charge entre 80 et 100 kilos, 15 jours de voyage ( 8 jours chargés et 7 à vide), c’est 200 roupies par jour : 2 euros !!! Si c’est pas la misère ça !!!


 


Quelle journée ! Nous passons du soleil à l’ombre, les marches sont glissantes et la trace boueuse. Beaucoup de Sherpas, des femmes et des filles aussi, tout le monde a son lot de travail. A Surke, il fait froid, la rivière qui gronde amène de la fraîcheur en plus du ciel qui se couvre. La côte jusqu’à Lukle est très raide et semble interminable. Pour passer le cap nous chantonnons et laissons nos diverses pensées combler la fatigue et la routine du pas qui s’allonge sur le sol poussiéreux, et des virages qui s’accumulent. Après 600 mètres de descente c’est 800 mètres de montée jusqu’à Lukla où les premières maisons apparaissent enfin devant nos yeux, à presque 5 heures du soir. Nous ne visiterons pas l’hôpital de Pasang Lamu et Nicole Niquille aujourd’hui, objectif : trouver un hôtel et se poser. Plus rien d’autre ne compte. Le sac nous meurtrit les épaules et les jambes sont lobotomisées. Après du temps perdu à la recherche d’un lieu sympa et pas trop cher (ce qui ne court pas les rues, puisque nous sommes enfin en « zone touristique »), nous apprécions finalement la douceur d’un thé chaud autour du poêle.



 

Nous rachetons quelques provisions, puis Maud achète des gants en laine et Barbara, un bonnet et une paire de chaussettes, recommandés par Maud, avant les hauteurs plus glaciales.

Cette fois les touristes sont partout et comme dans ce cas là, la « masse » évite la rencontre, on se croise, se regarde, et c’est tout. Chacun est là pour sa propre raison, même si a priori nous allons tous dans la même direction. Le seul à qui nous parlons est un Anglais, Adam, qui se promène en sandales en plein hiver « c’est pour mieux apprécier mes chaussettes » nous répond-il !

 

Le lendemain matin nous passons plus d’une heure avec les docteurs et infirmières de l’hôpital « PLNN », qui est pour nous un rendez-vous incontournable, vu que notre projet est en l'honneur de Pasang Lamu. Première femme Népalaise à avoir gravi l’Everest, la fondation qui porte aujourd’hui son nom avec celui de Nicole Niquille, a permis la création de cet hôpital flambant neuf et équipé de manière tout à fait exceptionnelle (voir le portrait sur l’hôpital PLNN).

 



Nous reprenons donc la route en fin de matinée, où cette fois nous allons progressivement monter vers Namche Bazaar, où les grands espaces et les pics enneigés s’offrent à nous.

Avant cela, c’est une multitude de lodges, quelques touristes et leurs guides, de multiples pierres Manis peintes en noir et blanc et des moulins de toutes tailles, qui juxtaposent la route. A Ghat, nous nous régalons avec une soupe de haricots rouges, lentilles et samosas. Dehors, Maud fume une cigarette en discutant avec Cho Young, un Coréen qui part également faire l’Island Peak, après la vallée de Chukkung. Comme Adam et d’autres personnes à venir, nous le croiserons à plusieurs reprises. La route vers l’Everest a l’avantage de permettre de nouer des liens et faire réellement connaissance des trekkers voyageurs. Nous continuons et dans l’après-midi nous apercevons les premiers pics, le « Tamsherku » apparaît dignement entre deux arbres.




Nous n’irons pas jusqu'à Namche aujourd’hui, et resterons dans un magnifique lodge en bois, spacieux et propre, en compagnie d’un groupe de quatre Allemands forts sympathiques.



Petite journée pour aller à Namche mais tout de même, après avoir longé la rivière et traversé trois ponts, il nous reste 700 mètres de côte… La piste est ensablée et les mules, en plus de l’odeur, remuent la poussière ce qui ne nous facilite pas la tâche. 1 heure 30 plus tard nous sommes devant le check-post du village, et à midi en train de déballer les sacs au « Buddha Guest House ». Après une semaine de randonnée, une douche s’impose. L’eau chaude trop chère, Barbara opte pour un seau d’eau glacé (ses pieds mettront toute la soirée à s’en remettre) et Maud pour l’abstinence !

Publié dans Carnet de voyage

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S
<br /> Bonjour,<br /> <br /> c'est un super carnet de voyage que nous avons la. J'ai adorée et sa donne envie. Merci pour ce partage. Si vous avez le temps, passer sur<br /> http://www.visoterra.com/voyage-sur-la-route-de-sagarmatha/gokyo-et-le-cho-la.html , ou j'ai trouver des récits tres intéressant.<br /> <br /> Bonne lecture a vous et tous vos commentaires sont les bienvenue<br /> <br /> A bientot<br /> <br /> Sébastien<br /> <br /> <br />
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M
bravo mesdames ! pour connaitre cette région depuis 1995, je peux comprendre vote démarche et c''est super.<br /> je suis passée à Nunthala et Hewa puis namche en avril 2008 et nous y avons apporté 90 kgs de matériel en tout genre pour les écoles et le collège de nunthala ainsi que l'hôpital de nunthala qui ne possédepas grand chose !!<br /> au plaisir de vous lire et ed suivre votre itineraire et de faire part de votre assso !!<br /> bonne continuation
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