PAKISTAN, Vallée des Kalash (du 14/05/08 au 22/05/08)

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“C’est la fête au village”

La vallée d’Hindu Kush : le peuple Kalash 

La région des Kalashs est un pays à part entière. Il faut compter au moins deux jours à partir de Gilgit pour franchir “les portes de ce monde”, juste à quelques heures de marche de l’Afghanistan.          

7h30 du matin, à l’arrêt de bus de Gilgit, nous retrouvons Pierre, Thomas et Quentin, décidés eux-aussi à partager un bout de vie du peuple Kalash. Les femmes devant, une Hollandaise et une Italienne font partie du “lot “ des étrangers.

10 heures de bus : on quitte rapidement le ”confort” de la route asphaltée, pour les pistes de montagnes. Les amortisseurs ne sont pas épargnés et les Pakistanais, pilotes de rallye dans l’âme, nous font découvrir le “bus 4x4”… expérience très tape-cul et introuvable en France ! Deux pauses, dont une à Shandur Pass à 3735 mètres : l’air est frais, l’herbe verte et agréable, les yacks sont contents et nous aussi !

 

Arrivés à 18 heures à Mastuj, on troque le bus pour une Jeep et à 23 heures, Sabir, accessoirement “guide” pour les 7 touristes, nous négocie des chambres dans un hôtel de Chitral.




Le lendemain, nous avons rendez-vous dans la vallée de Bumburet avec Subhan Kalash, membre actif de la préservation de sa culture, il travaille dans une association à Peshawar (Pour en savoir plus : voir le portrait des femmes kalashs).

Il nous accueille au village de Brun… le premier contact courtois laisse rapidement place à un échange très convivial. Le courant passe très bien et nous savons de suite que le séjour va être “différent et reviguorant” !

Grâce à Subhan, nous sommes invitées à rester à Anish dans la famille de Gulshaheen, une adorable jeune femme qui enseigne l’anglais à l’école construite dans l’enceinte de l’ONG grecque de Brun.


 


C’est une chance pour nous, car chaque année à la mi-mai se déroule le festival de printemps qui annonce le début de la transhumance. Les Kalashs rendent ainsi hommage à la Nature lors de quatre festivals annuels, liés à chaque saison. Celui de décembre est certainement le plus long et le plus spectaculaire.

Non musulmans, ils sont considérés comme des marginaux et leur culture s’avère être menacée… Grâce aux efforts de plusieurs associations et surtout à la volonté de la population de conserver et partager leur manière de vivre et leur langue, les Kalashs ont réussi à faire parler d’eux. Après avoir mangé chez Taj, le cousin de Subhan, (ce dernier prendra Sabir “sous son aile” durant toute la semaine !), nous nous retrouvons alors dans un bain de foule de touristes, locaux et étrangers !

Tout le monde se dirige vers le lieu des festivités… nous sommes illico plongés dans le vif du sujet : c’est la fête !



Les Kalashs sont gais, ils rient, se bousculent, bras-dessus, bras-dessous, les danses sont aussi un moyen de se toucher, s’effleurer ou de se faire peur comme dans des jeux d’enfants. Il fait 30 degrés, à l’abri sous un préau, les 7-77 ans se mélangent. On passe de chants de femmes, lents et envoûtants à des rythmes endiablés où les hommes imposent leur voix grave et poussent de grands cris pour “chasser” les indésirables… Dans ce cas les journalistes et les touristes locaux sont les uniques “victimes” ! Ils sont là pour le festival, mais à l’affût de la moindre image de femme, Kalashs ou touriste ; les caméras et portables sont braqués sur chaque angle de nos visages !

“Can I take a picture of you? You take a picture with me?” le refrain sonne à nos oreilles avec autant de plaisir que l’écoute d’une chanson de Didier Barbelivien : insupportable !

Il faut les comprendre : le spectacle est magnifique et les femmes, gracieuses dans leur robes colorées, le corps orné de bijoux, jusqu’à leurs têtes “couronnées”, sont de véritables Reines !

 


Autour, sur des gradins, tel un petit amphithéâtre, les locaux venant de Chitral, Peshawar et Lahore en particulier, ne sont pas autorisés à rentrer sur la “piste”. Le monde des Kalashs est plus “ouvert” en effet, ils boivent, leurs corps s’expriment librement et à la fin du festival, après que les regards timides se sont enfin trouvés, les jeunes femmes “s’enfuient” avec l’homme qu’elles ont choisi.

Leur liberté c’est d’avoir le choix et pour les musulmans qui viennent ici, leurs vacances sont aussi un moyen d’évacuer les “frustrations” qu’impose leur culture si différente.

Pour nous le ressenti est clair : c’est comme une fête de village ! Le soir venu nous goûtons avec Taj (un autre cousin !) et Zarin ; le vin local, sorte de vin blanc amer et disons passé de date, rappelle de bons souvenirs à Maud et coupe vite l’envie à Barbara.

La soirée se termine avec la riche clientèle touristique au PTDC Hotel… Invitation et politesse oblige. La présence de deux jeunes femmes françaises n’a pas laissé indifférents certaines personnes “imbibées de whisky”. Et nous  ne retrouvons Gulshaheen que tard le soir.

Vendredi, c’est le grand jour et le dernier du festival. Nous faisons enfin connaissance de Gulshaheen, ses trois soeurs, son frère et ses parents, tous adorables et bienveillants. “Ishpata Baba”, Ishpata Baya”, bonjour ma soeur, mon frère… ici plus qu’ailleurs on est une grande famille !



Tâches quotidiennes et aussi mise en beauté. Les filles s’adonnent à la tâche : tressage de cheveux, deux tresses sur le côté, une devant que l’on enroule derrière l’oreille, khol sur les yeux, quelques petits bijoux colorés et enfin la tenue traditionnelle. Gulshaheen ouvre son amoire : une dizaine de robes sont empilées, noires aux couleurs rose, orange, vertes, jaunes ; nous n’avons qu’à choisir et tourner comme une toupie lorsque Gulshaheen enroule autour de notre taille les trois mètres de ceinture… Ca y est nous sommes prêtes pour le “grand bal” !

Sur la route : “Ishpapa Baba”, des mots que l’on se doit de répéter à chaque rencontre… Ici on se dit bonjour avec beaucoup de contacts : quatre bises sur les joues, puis baise-mains sur chaque main !




Accompagnée d’autres femmes et fillettes, nous accédons à un nouveau village. Cette fois pas de préau, sous un soleil de plomb nous faisons notre première danse en habits traditionnels. Accrochées les unes aux autres pour ne former qu’une unité, les pas dans le même rythme, nous tournons autour des musiciens. Ca n'a pas l’air, mais c’est fatiguant, surtout avec le poids des tenues ! Mais plus que tout nous supportons assez mal le soleil… Pause repas, chapatti et fromage frais, presque aussi bon que le picodon !




Nous sommes des stars au sens propre ! Comme si on avait “l’habitude”, on se laisse interviewer par une nouvelle chaîne et vantons la beauté des femmes, la générosité des Kalashs et l’esprit convivial qui règne dans la vallée.

Dans l’après-midi nous retournons au village précédent : ouf un préau ! C’est la cohue, les hommes d’un côté, les femmes de l’autre, tout le monde se rejoint en agitant un petit rameaux, pour chasser les esprits et bénir les lieux, chacun se doit d’avoir son petit “grigri” !

Les danses sont entrecoupées de pauses, sous les arbres, assis dans l’herbe, on se rafraîchit au “Moutain Dew”, limonade qui fait fureur et a plus de succès que le Coca-Cola ! Dans la vallée, de toute façon, chaque recoin offre de l’eau de source… On en vient à se demander si ce ne serait ici pas le jardin d’Eden ?



En soirée, les derniers moments sont tout aussi intenses, le ryhtme ne s’arrête pas, tous à coeur joie on ne peut plus danser sans se bousculer ; Gulshaheen fait en sorte que l’on soit à l’aise, avec les hommes c’est un peu plus sport !

Fin du festival : on jette les rameaux : le printemps est prêt à s’installer ! 

De retour chez Gulshaheen, pendant que le dîner mijote, Subhan nous rejoint. Assises au frais, les étoiles brillent au-dessus de nous… Nous passons un bon moment à discuter et notre complicité nous permet de découvrir le petit secret de Subhan et Gulshaheen : ils prévoient de se marier à la fin de l’année !

Au matin nous allons visiter le village de Krakal où se trouve la famille de Subhan… Sa famille, intriguée et chaleureuse, nous dit au revoir en nous faisant de petits cadeaux. Le festival est terminé, mais dans l’après-midi nous allons assister aux funérailles d’un habitant de Rumbur, dans la vallée voisine.




Après un bout de route en Jeep, nous suivons la foule et la procédure locale, femmes devant et hommes derrières. Pour rejoindre le corps et la famille du défunt, nous devons traverser une rivière… Avec des dizaines de personnes sur le pont, ce ne sont pas des mouvements de balancelle mais la sensation d’être sur un bateau : Gulshaheen s’aggripe à moi comme à un mât !

Le corps est là, voilé et à découvert, les femmes rapidement se regroupent tout autour, à genoux, nous écoutons le conteur qui aide le défunt à retrouver ses ancêtres et favoriser son passage, ou peut-être prononce-t-il les derniers mots pour lui faire ses adieux.

C’est un deuil, à cet occasion les femmes de la famille ont l’autorisation d’enlever la “chouchoute”  (s’us’utr) et se détresser les cheveux. Malgré la tristesse, c’est également une célébration et la cérémonie se veut joyeuse. Danses, chants, les gens se retrouvent, discutent, et pour nourrir tout ce beau petit monde, des hommes portent dans leur hottes en osier des centaines de chappatis : le pain est distribué à volonté avec des assiettes de fromage frais.

Au milieu d’une danse, une dame grecque nous accoste, “No Gulshaheen, tourists without dress can’t dance with you, it’s not nice !”. Gulshaheen est gênée, elle se fait “gronder par la directrice de son école. Nous lui expliquons de suite que Gulshaheen n’est pas fautive et que nous sommes celles à qui elle doit s’adresser… Coincée et hautaine, elle nous ignore et s’en va comme si elle avait prêché la bonne parole !




Nous rassurons Gulshaeen et allons nous installer avec Subhan et Taj… Ceux-ci nous confirment ce que l’on pensait : pourquoi une “touriste “ se permet-elle de dire à une Kalash ce qui est bon pour elle, alors que les Kalashs eux-mêmes acceptent tout le monde ! D’ailleurs, les femmes elles-mêmes nous demanderont de revenir danser !

En quelques minutes, Gulshaheen et Subhan se sont éclipsés… Pendant ce temps Maud retrouve Sabir et d’autres touristes et Barbara malade, qui ne rêve que d’un bon lit entre deux crampes d’estomac.

Vers 22 heures 30 Subhan nous retrouve fatiguées, il nous amène dans un hôtel pour passer la nuit, pendant que les Kalashs feront la fête jusqu’au matin !

Au réveil, calées dans le jardin, des roses un peu partout, sur un banc à l’ombre, Maud savoure son déjeuner et Barbara récupère doucement en appréciant l’unique qualité du Coca-cola : c’est bien quand on est malade ! Tandis que Subhan repart sur Peshawar, Sabir, Taj et Gulshaeen se joignent à nous, Nous retournons à Bumburet et pendant que Barbara et Gulshaeen vont se reposer, Maud en profite pour visiter l’ONG grecque, son musée et sa clinique, puis retourne à Krakal pour rencontrer “Abdul” et ses filles, déterminés à préserver leur langue et leurs traditions.

Le soir venu, lorsque nous annonçons à Gulshaheen et sa famille que nous les quitterons le lendemain pour faire un trek vers Rumbur, ils sont déçus… ”Mais pourquoi vous partez ? Restez avec nous...”. Sa tristesse nous met un peu mal à l’aise, puis les regards et sourires complices prennent le dessus, nous lui promettons que notre histoire ne s’arrêtera pas là.



Au matin, adieux émouvants, sa maman retourne aux champs, ses soeurs ne nous lâchent pas du regard, et Gulshaheen, nous la retrouvons sur la route pour lui dire au revoir au sein même de son école… Encore une fois, on nous fait comprendre que “les touristes” ne sont pas invités à tout partager avec les Kalashs… Tant pis, nous serrons fort Gulshaheen dans nos bras, “Don’t forget me” nous lance t'elle. Les liens qui se sont créés pendant cette semaine va au-delà des “contraintes” que l’on nous impose, il n’y a pas de barrières, nous sommes avant tout des amis !

C’est parti pour Rumbur ! Sabir nous accompagne mais vu les multiples chemins et les expériences malheureuses de nos treks précédents au Pakistan, nous prenons un guide local en route… En espérant éviter le film “L’aventure sonne toujours trois fois” !

Qui dit vallée, dit belles côtes ! Nous ne voulons marcher que quelques heures car le soleil tape ! La montée est raide et les pas sont lents, surtout pour Maud qui à son tour ne se sent pas très bien… ”Je fais un somme et ca va passer!  ”. Une heure et demie après et deux allers-retours aux “toilettes” ça ne passe toujours pas!   Déterminée à marcher et surtout très têtue, on repart vers le col… C’est long, très long. En haut, nouvelle pause encore, cette fois Maud ne porte plus son sac et on ne l’entend plus : c’était peut-être pas une bonne idée !

La descente jusqu’au bivouac sera moins difficile, mais désagréable,  Barbara et Sabir, eux, ont plutôt la pêche, c’est sûr que c’est mieux d’être malades en même temps ! Nous imposons le bivouac à un endroit où Maud, complètement vidée, n’en peut plus …  et nous réfléchissons déjà au programme du lendemain.


Au matin, pas d’amélioration, nous n’irons pas jusqu’à Rumbur ; pour rentrer au plus tôt, nous décidons de rejoindre la piste et, de là, prendre une Jeep… ”Inch Allah !’

Nous nous partageons les affaires de Maud, elle se demande comment ses jambes vont réussir à la porter, sans force physique et avec un moral en “standby”, elle y parvient lentement. Elle n’a pas le choix et donne toute l’énergie qui lui reste pour avancer.

Le sentier heureusement est très sympa, nous passons sous les pins, la rivière qui coule en-dessous de nous, permet de nous rafraîchir. Entre les pauses et les traversées, fun mais délicates, sur d’énormes rondins de bois, nous arrivons trois heures après sur la piste tant attendue.



Coup de chance, nous négocions une Jeep pour Ayun à 15 km de là… Les femmes ici portent la burka, retour à la réalité ; nous avons quitté le paradis pour retrouver le monde des Hommes.

Un Coca et ça repart ! Encore une heure de route jusqu’à Chitral… Une douche fraîche et Maud se couche, Sabir et Barbara flânent tout l’après-midi.

La nuit fait son travail, Maud va mieux ; peut-être grâce aux plantes médicinales données par un docteur présent dans l’hôtel, en tout cas il y des signes qui ne trompent pas : avant de partir pour Mastuj, nous passons quelques heures à faire du “shopping” !
Le soir, dans une guesthouse de Mastuj, nous apprenons qu’après le festival il y a eu une véritable petite épidémie chez les touristes, avec des cas bien pires que les nôtres ! Le retour à Gilgit se fera au moins sans problèmes !

 

Publié dans Carnet de voyage

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L
Je viens de lire un livre sur le peuple kalash. Je n'en avais jamais entendu parler. J'ai bien envie de le découvrir davantage.<br /> Merci pour ce carnet de voyage. :)
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