NEPAL (Dolpo), de Dolphu à Dunai (du 22/10 au 08/11/08)

Publié le

“Le Dolpo? En long en large et en travers !”

 

 

 

 

Dolphu, le vent, le sable et l’immensité qui vous prend aux tripes, nous la laissons derrière nous. Après avoir pensé à l’option « la route par l’autre col à 5000 mètres», nous décidons de suivre le chemin qui mène à Talphi par un col à 4200 mètres, un peu plus long mais qui sera l’occasion de voir d’autres paysages.

 

 

En marche arrière vers Kimiri, le chemin reste tout aussi impressionnant, et les marches usées par les souliers et les sabots, sont toujours bien hautes et cassantes pour nos jambes, mais cette fois on les connaît. L’orage gronde lorsque nous sommes au village où nous sommes accueillies pour la seconde fois par Guru Tsering, dont le sourire toujours très chaleureux nous fait un bien fou. Cette fois nous ne sommes pas seules, une famille américaine se tient debout sur le toit d’en face qui, comme dans chaque village, fait office de terre-plain pour les récoltes. C’est donc entre deux rangées d’orge que nous faisons connaissance. Ayant grandi au Népal, le père connaît bien la culture et la langue népalaise. Il accompagne sa femme, volontaire dans une ONG et ses trois enfants, pour visiter et étudier les villages des environs. Il nous confirme également que toutes les cartes font encore l’erreur de mentionner le sentier de Dolphu à Shey gompa, alors qu’il est impraticable, ce qui est dommage car il y en a un de Mugu qui permet d’atteindre Shey en une semaine.

 

 

Le soir, près du feu nous avons la chance de déguster le “chang” maison que Maud apprécie beaucoup plus que Barbara et le Rakshi maison (liqueur locale), à la pomme…Hum pas mauvais ! Il y a beaucoup de monde autour de cette table car les guides et porteurs qui accompagnent les américains sont originaires d’ici. C’est l’occasion de discuter avec Dorjee qui avec humour nous explique les rites culinaires au Dolpo… ”Attention, après la première gorgée de chang vous ne pouvez refuser d’être resservi, et c’est mieux si le bol reste quasi plein car si vous le finissez c’est que vous n’en voulez plus !”... ”Ah ! on comprend mieux l’état de ces messieurs la nuit venue.”.

 

Le lendemain, le retour est facile, le chemin est large et longe le bord de la rivière d’un bleu cristallin. Maud chasse les lézards avec sa caméra, Barbara admire la forêt, c’est plutôt reposant après le périple que l’on a eu. Nous nous arrêtons à l’hôtel de Mangri ; prix abordables, chambres à 50 roupies (50 centimes) pour deux, mais bien sûr, comme d’habitude, on se lave a l’eau froide sous la rigole extérieure. Et le soir au menu ? Rôtis et légumes bouillis, pas de desserts les “coconut biscuits” sont en voie de disparition dans la région !

 

 

Avec le soleil du matin, nous reprenons la route en direction de Ropa où nous devrions commencer la traversée dans la montagne pour arriver à Talphi en trois jours… Avant cela c’est une longue marche que nous empruntons à travers de magnifiques forêts de pins et conifères et de plein d'autres arbres aux feuilles couleur d’automne, toujours bien accrochées aux branches. Nos yeux ne manquent pas de travailler et nos appareils ne cessent de fonctionner, à chaque virage c’est fabuleux. On regarde autour et faisons également attention sur le passage car ce matin les livraisons ne manquent pas. Nous croisons yacks, chevaux, mulets et ânes, tantôt effrayées, tantôt rentre dedans, et nous faisons tout notre possible pour qu’ils passent loin de nous… ”Et sinon ! il y a des biscuits dans vos sacs là ?” On ne le saura jamais ; en tous cas à Lumsa où nous prenons le repas dans un magasin, les biscuits sont de retour, et on le fête !

 

 

De Lumsa, la suite du chemin continue à l’ouest vers Rara Lake National Parc, mais pour nous c’est plein sud et c’est une autre histoire : à droite, la trace pour Ropa, “tout droit 2 heures” ; à gauche pour Sowa, “tout droit, 3 heures”… 600 mètres de vertical avec quelques petits lacets pour vous donner de l’espoir ! On choisit Ropa car l’après-midi serait trop court, nous savons bien que deux heures veulent dire trois donc…

Nous montons à travers les petits villages environnants, toujours aussi beaux et animés par les activités du quotidien : récolte, famille, nettoyage, jeux… Et après deux heures à demander la bonne trace, nous découvrons avec surprise Ropa, ses magasins, son hôtel et l’électricité !

On fait “péter la barre de Chocolat chocofun” (au Népal les repas ne sont pas variés, les biscuits non plus !) pour le dessert du soir et sous le ciel complètement étoilé, on se dit qu’il ne faut pas grand chose pour être heureuse !

 

Fini les villages, nous partons le lendemain pour trois jours dans la montagne et ses superbes forêts en espérant que cette fois la carte ne nous fera pas défaut ! Nous montons et déjà un croisement et les premières questions, mais au bon moment un homme nous indique la route : il faut descendre ! Nous allons vers la rivière et encore un choix : “il faut monter par là ?“ ; ”Bizarre, sur la carte on devrait être de l’autre côté de la rivière”. Nous montons et empruntons un chemin évident qui devrait nous ramener sur la bonne rive. En fait il ne mène nulle part, et le berger du coin, pipe aux bec, sac en bandoulière, habillé en laine de la tête au pied, nous indique encore la direction d’origine, agrémentée de gestes démonstratifs et de petits sons en fin de phrase pour donner plus de sens à ses mots. On a compris, on s’est encore plantées et il faut revenir en arrière et “Mooooonteeeer” ! Il y a en fait des traces de partout et pour ne rien arranger nous tombons sur des enfants qui au lieu de nous aider s’amusent à nous faire tourner bourriques. Quand ce n’est pas eux, nous tombons sur des gens qui ne semblent même pas être du village de Talphi ! Bref nous sommes prêtes à exploser quand enfin des hommes aidés par trois femmes qui portent leurs fardeaux, nous amènent sur la bonne piste au départ de leur village… Une d’elle voit bien que nous sommes au bout du rouleau, plus moralement que physiquement, le fait de tourner en rond nous fait douter, nous avons besoin de repères et dans ces moments là, comme dans chaque moment difficile, c’est à nos proches que nous pensons… Sensibles, émotions exacerbées, la famille est touchée par notre détresse et nous propose de nous reposer un peu et de manger un bout avant de nous indiquer la route.

 

 

Nous repartons donc un peu plus détendues sur le chemin, avec la direction sud, sud-est en tête… Nous entrons dans une belle foret très paisible, puis le chemin descend, mais descend  vraiment beaucoup : nous sommes d’accord, ça ne peut pas être le bon et revenons encore une fois sur nos pas… Cette fois nous envisageons sérieusement de prendre un “guide” local pour une journée et nous mettre sur la BONNE route. Après 30 minutes de cogitation intense, nous décidons de revenir au village où cette fois nous sentons que la chance commence à tourner… Un local serviable et compréhensible se propose de faire le job et, logées dans sa petite cabane, il nous cuisine des rôtis et des patates pour la route du lendemain ; et accessoirement, sans feu approprié, il nous enfume comme jamais !

 

 

Au matin nous voyons la différence, avec un guide vous marchez plus vite, son rythme vous entraîne mais surtout vous ne vous posez aucune question. Ce qui semble évident l’est beaucoup moins sans indications, après tout nous avons pu voir que le plus gros chemin n’est pas forcément le bon.

C’est un accompagnateur extra, il nous laisse tranquilles et accepte les pauses aux endroits où nous les demandons ; à cette allure nous emmagasinons la dénivelée facilement et tranquillement. A la pause repas et non loin du col, un autre local parti sur la même route s’arrête, et après un échange avec notre guide nous comprenons qu’il se propose de nous guider pour que l’autre puisse être chez lui dès la soirée… OK mais on ne nous la fait pas à nous, heureusement il comprend vite que nous n’avons plus vraiment besoin de guide puisque nous sommes maintenant sur la bonne voie et que l’on fera juste la route ensemble sans que cela soit un « business ».

Apparemment on s’est compris, seulement cet homme là il est plutôt agaçant, pas méchant mais juste un poil agaçant. Après la dernière montée le sentier se fait plus plat et au loin nous voyons même le col. Le ciel se couvre, il fait beaucoup plus frais et nous ne traînons pas ; seulement voilà, ce que nous avions vu n’était pas le col, au loin des drapeaux, ce serait là-bas alors ? Non, toujours pas ! c’est long et cette fois c’est la grêle qui s’en mêle, on avait oublié que la montagne avait ses secrets… Nous découvrons donc que le col se fait en trois temps et après 1500 mètres de dénivelée positif, le négatif est long à venir. Nous n’avons presque plus d’eau, il se fait tard et il fait presque nuit quand nous décidons de camper, juste avant la vraie descente qui débute dans la forêt se serait trop dangereux. Le « guide » est un peu paniqué et veut absolument descendre car l’eau est à une heure de là… « Nous on est bien là, à l’abri du gel ! et puis descend si tu veux on ne te retient pas ; salut et merci ! ». Il ne veut pas nous lâcher le bougre et veut aussi pieuter dans la tente, « ah non, désolées elle est trop petite ! ». On se contentera de nos 40 cl de flotte pour se faire un paquet de noddles, les « chochos » comme ils disent, et avoir une petite gorgée au matin avant de descendre.

 

 

Nous sommes à 3800 et on se pèle, les chochos sont vite avalés et nos pieds sont bien tétanisés par le froid. Dehors, le guide sans vivres et sans tente, a décidé de faire un grand feu à côté de son abri en feuillages. On se demande comment en 10 minutes, avec ses petites allumettes pourries, il a pu faire un feu aussi gigantesque. On lui apporte un peu d’eau et en échange on se réchauffe les pieds… Dur dur de retourner dans la tente !

 

A 6 heures du matin le soleil émerge et le guide aussi ! Il nous réveille un peu lourdement et on comprend qu’il est un peu pressé… Petites gorgées d’eau glacée, nous descendons en moins d’une heure au bord de la rivière pour prendre un petit déjeuner. Nous ne restons pas car il n’y a pas de soleil par ici et tout est gelé. Nous jonglons entre montées et descentes dans la forêt toute fraîche à cause des grands arbres qui empêchent le soleil de s’infiltrer. Une fois sorties, la chaleur et une superbe vue sur les montagnes, puis en contrebas la vallée de Talphi. C’est au carrefour d’un adorable bivouac que le guide nous laisse pour regagner son village dans une autre vallée. Nous prenons le temps au bord du ruisseau avant de reprendre la route pour quelques heures jusqu’au premier village… A Chaurgaon, nous faisons un effet fou, nous faisons pleurer les enfants ! Un bout de chou fond en larmes devant nos deux têtes blanches et nos grosses « carapaces », on se rapproche pour le rassurer et il fuit aussitôt dans les jambes de sa maman ; on ne savait pas que l’on était si effrayantes, ou peut être qu’ici ce n’est pas le grand méchant loup qui les dévore mais les touristes égarés !

Il semble que ce ne soit qu’un conte pour les enfants, car lorsque nous demandons à un jeune homme s'il est possible de dormir au village (« Sutna pa incha ? »), il nous propose spontanément de venir chez lui. Tout juste marié, lui et sa femme habitent dans la maison de ses parents. Nous montons la typique échelle taillée dans le bois pour découvrir leur intérieur, grand et avec un foyer central qui invite au repos. Sieste donc, puis on nous appelle pour le « goûter » : des patates ! On s’en doutait, mais heureusement ici elles sont excellentes et fondantes. Ils nous préparent un petit festin, le "dhal bat tarkari" avec en plus, du « dahi », yaourt au lait de yack, buffle ou vache, qui adoucit les épices et donne un tout autre goût au plat, c’est frais et c’est un délice.

 

 

Nous dormons tous ensembles dans la même pièce autour du foyer et dès 6 heures du matin la maman est déjà en train de faire des rôtis (pain en forme de galette) pour le déjeuner… Ils sont vraiment adorables, surtout que nous sommes assez fatiguées par le trajet. Nous partons en leur donnant un peu d’argent pour leur hospitalité : ils refusent catégoriquement, chose que nous avions encore peu rencontré ici, car les touristes restent la plus grosse chance de revenu pour beaucoup. Nous insistons, ils restent ferment, nous partons donc d’un pas léger devant tant de générosité et le sentiment d’avoir retrouver un peu de chaleur humaine après ces moments de doutes.

 

 

Au bout d’une heure il y a comme un air de déjà vu, normal nous repassons au même endroit que nous avions laissé deux semaines plus tôt, cette fois sans bifurquer vers Marigaon mais en continuant plein est pour arriver à Talphi. De là, on nous montre la suite du chemin, en direction du col « Leti lagna ». Nous ne savons pas encore exactement si nous pourrons entrer au Dolpo et ainsi passer au Mustang par les routes de yacks, mais ce que nous savons c’est que nous sommes épuisées et que nous rêvons d’une bonne toilette et nos fringues aussi !

Petite journée, nous posons les sacs à Gauri pour prendre pleinement le temps de recharger les batteries ! En guise d’extra au repas nous avons droit à des œufs et du dahi… Pour les œufs, il faudra tout de même en casser 10 avant d’en trouver 4 « frais », mais c’est sûr, ils sont bios !

Pendant que Maud se repose, Barbara profite de l’architecture traditionnelle des maisons de la région, pour s’asseoir sur leur toit large et plat et avoir un panorama de la vie dans les villages… En face, une famille s’active à battre le blé, faire sécher le maïs et les piments rouge feu... Le petit dernier, habillé d’une veste en haut mais rien en bas si ce n’est des chaussettes hautes (plus kitsch y a pas !), s’agite autour des jambes de son papa en faisant quelques pas de danse et évite de justesse de se prendre le panneau solaire ! A gauche, deux autres femmes lavent le linge sous le robinet qui coule à flot. Quelque soit le moment de la journée et la tâche à faire, elles gardent toujours les mêmes habits : le foulard sur la tête, une robe large resserrée par une très longue et large ceinture qui leur fait un gros ventre et sert surtout à ranger l’argent ou tout autre accessoire. Enfin, accrochée à la taille, la couverture en laine de yack aux rayures colorées, qui descend jusqu’en bas des genoux pour leur permettre de s’asseoir n’importe où sans se salir. Et pendant que tout ce petit monde travaille, près du magasin, une dizaine d’hommes plus ou moins jeunes, jouent au « kitty », jeu traditionnel népalais, jusqu'à la tombée de la nuit.

 

 

 

 

Après cette journée de repos, nous sommes prêtes à « affronter » la suite. Toujours en direction du Dolpo, nous devons avancer dans la forêt pour passer deux cols avant d’arriver à Chaurikot. Ils sont juste en dessous de 4000 mètres et sans difficulté. Après avoir passé le premier col, le Leti Lagna, nous retrouvons le large chemin qui relie Jumla à Dunai et un village. A Chotra les impacts négatifs du tourisme se font terriblement sentir : une horde d’enfants nous harcèlent « Give me a pen, a pen ! give a sweet, a pen, a sweet… GIVE ME  A PEN !!! ». Ils nous crient dessus, commencent à tirer nos sacs, puis terminent par des signes obscènes, nous les laissons et traversons rapidement les lieux en nous retenant de les envoyer valser ! Après tout les fautifs sont ceux qui pensent bien faire en leur jetant des stylos et de l’argent comme s'ils étaient des singes !

Pour être tranquilles, nous campons à deux heures de là, il fait un peu froid dès que le soleil est parti, mais nous arrivons à démarrer un feu qui nous tiendra chaud pendant des heures.

Deuxième journée dans la forêt pour passer le Mauri Lagna La à 3800 mètres ; il se fait aussi très facilement, par contre la descente jusqu'à Chaurikot nous prendra plus de deux heures et ainsi, c’est presque à 15 heures que nous nous arrêtons dans un lodge, spacieux et accueillant. Des morceaux de viande sont exposés dehors et nous nous demandons s'il n’y aurait pas encore une fois un festival. En effet c’est aujourd’hui la fin du « Dashain » et les villageois se retrouvent en famille pour célébrer le « Bhai Tika » ou le petit frère reçoit un "tika" par sa grande sœur. Nous restons donc avec cette famille accueillante et surprenante, dont les rites sont un mélange de traditions Bouddhistes et Hindouistes : leur style est tout à fait Tibétain mais la viande est au menu !

 

Nous essayons d’obtenir le maximum d’informations avant de repartir le lendemain, pour savoir si nous pouvons prendre la route qui mène au Dolpo. Les informations sont contradictoires, une fois ça passe, une autre fois c’est impossible. Nous continuons vers Rimi et, par chance, nous croisons deux touristes Australiens qui en reviennent. Que de bonnes nouvelles : le col Kagmara à 5120 mètres se fait très bien, il n’y a pas de poste contrôle à Toysem comme cela est indiqué sur la carte, et pour couronner le tout, nous pouvons éviter celui de Kaigaon en allant directement à Hurikot par un chemin à flanc de montagne ! Après toutes les péripéties que nous avons vécues cela nous regonfle à bloc, de plus la route promet d’être magnifique !

 

 

Nous finissons donc la journée à Hurikot dans une maison familiale habituée à recevoir des touristes. Il semble que ce soit la fête ici aussi, et après nous avoir offert le « botacha » - thé au beurre salé - et même quelque friandises, Maud va jusqu'à danser avec un jeune résident devant les femmes de la famille, toutes enthousiastes. Le soir, de grands cris de colère se font entendre et en peu de temps tout le village est réuni dans une pièce, parti pour de grandes discussions. Ce que l’on comprend c’est que l’une des filles de la maison, partie « à la fête », aurait été agressée ; mais nous sommes étonnées de voir que le reste des femmes du villages ne semble ni la défendre ni même se rebeller. On ne saura jamais le fin mot de l’histoire, en tous cas au matin c’est une autre histoire ! Au moment de payer le jeune couple refuse notre argent et demande une somme exorbitante, bien au delà du vrai prix de notre séjour. Ils ne veulent rien entendre et nous en rajoutons même un peu en leur expliquant notre situation. Mais une fois dans la chambre pour reprendre nos sacs, le mari toujours insatisfait a la « fabuleuse » idée de prendre nos bâtons en « otages » ! Après des jeux de mains, des efforts d’explications et des regards qui en disent long, nous les reprenons. Sa dernière idée ? Nous enfermer dans la chambre ! Juste à temps Barbara coince la porte et avec Maud à la rescousse, pousse le mari tout énervé… Nous partons rapidement en leur laissant la somme que nous avions fixée.

 

 

Déçues, nous nous promettons de clarifier les prix avant de consommer, sûrement que le tourisme ici change un peu la donne. Mais bon, nous ne devrions plus avoir ce problème pendant au moins trois jours puisqu'aucun village n’est sur la route… Nous sommes à 2750 mètres et c’est une longue journée qui nous attend avant d’arriver au camp de base du « Kagmara La » à 4200 mètres. Une montée tout d’abord vers Toysem puis ça redescend… Après trois heures de marche, nous stagnons toujours autour de 3000 mètres avant d’entamer enfin la véritable montée dans la vallée, au bord de la bruyante rivière « Garbung ». Ça n’en finit pas, premiers signes que nous sommes en altitude, les yacks, nombreux, qui broutent au loin. Vers 15 heures une dernière pause s’impose avant d’aller à un col qui devrait nous laisser voir le bivouac…Il est plus de 16 heures 30 quand nous l'atteignons ; nous sortons la veste, plein ouest le bivouac et le soleil qui s’efface peu à peu. Vite, nous marchons d’un bon pas et après une heure nous sommes au « bout », là où la pelouse est « grasse ». En observant mieux, nous apercevons une tache blanche de l’autre côté, un camp de yacks ! Voilà pourquoi il y en a tant, une famille nomade s’en occupe et nous croisons d’ailleurs le mari qui part récupérer les bêtes.

Nous décidons de planter la tente près de la leur, il est presque 18 heures et nous le faisons à la frontale. Le soir nous nous faisons toutes petites dans leur petite tente et devant leur petit feu de brindilles. C’est mieux que rien et on se dit que cela doit être vraiment dur de supporter ça tous les jours ! Les températures sont négatives dehors et nous restons donc avec eux pour préparer notre repas. Le réchaud fonctionne mal depuis que nous avons changé l’essence avec du kérosène, et seulement après de longues minutes d’attentes, nous nous jetons sur nos noddles qui sont toujours délicieuses et un réel « festin » après une journée comme celle-là !

 

 

 

La nuit est difficile, nous sommes crispées car le corps essaye de se réchauffer, les crampes reviennent facilement à cette altitude, surtout lorsque vous devez sortir pour faire un « pipi express » tout est ruiné !

Au matin c’est moins « douloureux », assises dans la tente, les jambes sous le duvet, doudounes et bonnet sur le corps, les températures sont supportables et surtout les doigts glacés se réchauffent sur la tasse de café toute chaude… Hummm… Allez, il est temps de plier la tente et de repartir ; aujourd’hui c’est encore plus long et ça monte ! Des lacets dans les cailloux, des lacets qui nous aident à monter, monter monter… Pause repas à 4700 mètres, avec déjà une vue à couper le souffle, des sommets à plus de 6000 mètres, la neige si pure et si apaisante, c’est si calme… Ce qui frappe à cette altitude c’est cette sensation de faire ENTIEREMENT partie de cet espace et face à ce « silence » c’est comme si le temps s’était arrêté. Nous reprenons et entamons la marche dans la bonne neige et, devant ces montagnes immuables, le ciel bleu profond, nous sommes en pleine exaltation, c’est grandiose ! Comme par envoûtement nous sommes entraînées vers le col et nous y sommes très facilement ! La descente est douce et après quelques minutes nous retrouvons tout un troupeau de yacks qui prend un bain de soleil. Nous descendons assez vite car le bivouac est assez loin. Nous y sommes seulement à 17 heures, plus tard que prévu, car une partie du chemin était gelé. Du coup nous sommes encore obligées de camper en hauteur, à 4400 mètres ! Devant nous un bivouac, complètement dégoûtant, les détritus envahissent toute la zone et en plus il n’y pas d’eau. Heureusement juste avant en contrebas, le bivouac de Lasa est plus propre et recèle une petite source. Une fois encore nous faisons un feu ; pour l’occasion nous utilisons un peu de kérosène de piètre qualité pour que le feu démarre sur les chapeaux de roues, ça tombe bien il fait un froid glacial autour de nous.

 

 

Dernière nuit au froid, car après quelques heures de descente sur le chemin, la chaleur se fait terriblement sentir. Une fois encore nous retrouvons la forêt et la rivière, nous passons à côté de superbes bivouacs avec une ou deux maisons abandonnées qui peuvent aisément servir d’abri. En fin de matinér nous sommes déjà à Dhasa. C’est le premier village « habité », mais après avoir signalé notre arrivée par de multiples « Namaste » nous voyons bien qu’il n’y a pas âme qui vive, mince ! Nous continuons et peu de temps après nous voyons déjà le village de Pungmo et ses habitants qui travaillent activement… Sur le bord du chemin nous prenons le temps d’échanger quelques mots avec deux femmes, et de vérifier par la même occasion s'il y a un poste de contrôle dans le coin. Malgré le fait que nous soyons non loin de Ringmo, l’absence de poste jusqu'à ce jour est plutôt une bonne nouvelle puisque nous n’avons ni le permis pour randonner dans le Dolpo, ni celui pour entrer dans le parc national de Phoksumdo. Sans hésiter les femmes nous invitent à rester avec elles pour partager leur repas, où pour la première fois nous goûtons à quelque chose de nouveau : le « kora », un pain « vert » tibétain, mœlleux dedans et croustillant dessus, un vrai changement comparé à nos rôtis, secs et plats. Puis ensemble, elles, sacs sur la tête et nous sacs sur le dos, nous rentrons au village pour rester dans leur lodge avant de repartir le lendemain pour Ringmo, au coeur du Dolpo.

 

 

Nous sommes tout excitées à l’idée de voir le fameux lac de Phoksumdo, mais même si tout semble paradisiaque ici, nous restons méfiantes suite à notre situation un peu « illégale ». La carte indique la présence d’un poste de contrôle à Sumdo et, arrivées près d’un pont, nous décidons donc de prendre la rive gauche moins fréquentée. Nous avons bien fait puisque nous ne croisons rien si ce n’est une école, « Tapriza school », des lodges et le village de Polam, lui aussi abandonné. Nous sentons déjà que l’atmosphère a changé, le vent s’est levé et le chemin poussiéreux nous place dans une ambiance un peu surréaliste ! Nous ne sommes plus très loin de Ringmo, enfin c’est ce que nous pensons… Au moment d’entamer la côte, nous étions loin d’imaginer qu’elle serait aussi longue… Au delà de ça, le vent et le sable nous assèchent la gorge et brûle les yeux. Barbara, sans lunettes et avec une bonne crève, commence à se camoufler le visage sous son cheich en maudissant le « petit con » qui lui a volé ses lunettes à Dolphu ! Ca grimpe, ça grimpe, puis enfin les drapeaux à prières, allez encore 20 minutes… « Merde », Barbara voit Maud qui bifurque à gauche, c’est reparti pour un tour ! Seul réconfort après ces 600 mètres de dénivelée inattendue, la vue sur le lac et les chortens qui annoncent le village. Après une montée en trois étapes, nous descendons enfin, un peu empâtées par la route raide et ensablée ; nous faisons la pause repas juste avant Ringmo, qui n’est en fait qu’à 15 minutes… Chortens, drapeaux et surtout des hôtels et des lodges à gogo ! Nous négocions la chambre et les repas et profitons de l’après-midi pour visiter la Gompa et surtout admirer le lac à la fois bleu profond puis parsemé de petites couleurs turquoises : magique.

Tout compte fait nous ne pourrons pas emprunter les chemins qui mènent au Mustang vu les conditions météo, la neige est bien trop présente, mais quelle chance d’avoir pu venir jusqu’ici !

 

 

 

 

Nous repartons toutes fières sur le chemin en sens inverse et, soudain, un homme nous accoste un livre à la main. Zut un garde ! On le regarde d’un air surpris et surtout on se donne du mal pour faire croire que l’on ne comprend rien ; bref on joue les imbéciles en poussant notre accent au maximum ! « Trek permit » nous dit-il, « yesseuh, we trreek, it is beautifuleuh », il surenchérit en nous montrant le livre pour noter notre numéro de passeport et surtout le numéro de permis ... que nous n’avons pas bien entendu ! On se regarde puis « oui oui visa ok, we do trekking it is nice, we " ave " to go now sank you bye bye ». On part d’un pas légèrement pressé, sans se sauver non plus, du coup il nous laisse partir en nous faisant signe qu’il passerait un coup de fil… Et bien vu la zone bon courage !

 

 

Du coup le retour se fait « rapido rapido », puis au pont nous redoublons de vigilance, Sumdo ne devrait plus être très loin… Une heure, rien, deux heures de marche et un village, mais nous sommes déjà à Renje ; le village de Sumdo nous ne le verrons jamais ! Toujours en se fiant à la carte, nous prévoyons d’être sans problème à Shekpa en moins de deux heures du coup. Encore une fois nous nous faisons avoir par cette maudite carte vraiment peu fiable. Nous croisons du monde et apprenons que Shekpa est à 3 heures de là… Ca nous coupe le moral et les jambes mais nous devons avancer. Barbara avec son rhume et un sérieux mal de tête a mis le « pilotage automatique » mais elle n’en peut plus !  Et le chemin ne nous aide pas : montée, descente, remontée dans les escaliers, puis redescente, on sature! !! Puis enfin, des lodges ; tout compte fait il nous aura fallu un peu moins de trois heures mais non sans peine. Encore une fois nous descendons les prix « touristiques » de 200 roupies la nuit à nos 50 habituelles, vu la tête de Barbara, qui en rajoute un peu affalée sur le banc, le manager cède facilement aux requêtes de Maud !

Plutôt sympa donc, nous sommes tout de même un peu choquées lorsqu'au dîner nous voyons comment la femme de maison traite ses enfants : comme des esclaves ! Pas de phrases, des mots, des ordres : « de l’eau », en leur jetant le pichet à la gueule... Ok, c’est vrai que les Népalais s’exprime souvent de manière « agressive » et à forte voix, mais ce soir la DDASS trouverait son « bonheur » !

 

 

Dernière ligne droite, un plat descendant qui doit nous mener sans souci à Dunai. Après avoir « évité » tout les postes de contrôle on se dit que cette fois on ne pourra  pas y échapper, vu que l’on se rapproche de l’entrée officielle ! Et bien non, rien, en tout cas on ne traîne pas même si nous sommes épuisées, car nous languissons de retrouver le confort de la « ville », les samosas, les chowmein, le chocolat et Internet ! Et voilà, à une heure de Dunai, le panneau qui dit tout : « Thank you for your visit in Phoksumdo National Park ». Nous passons devant les bureaux du parc d’un pas rapide, sans les regarder, une fois sous le panneau, nous prenons le virage, ils ne nous ont pas vues, cette fois nous sommes dehors… Raté ! Un homme nous rattrape et nous refait la même scène que son prédécesseur, numéro de permis, numéro de passeport… Coup de bol, son anglais est très mauvais et nous rejouons les imbéciles en faisant cas de ne rien comprendre, et pour le coup nous refusons de revenir dans le parc car après tout nous sommes sorties ! Seulement il ne nous lâche pas et nous allons même avec lui jusqu’au poste militaire pour régler tout ça !

 

 

Nous sortons tous nos arguments : nous n’avons vu aucun poste de contrôle, aucun panneau signalant que nous sommes entrées dans le parc (si ce n’est celui de la sortie !) ; nous sommes ici en tant que volontaires pour notre projet ,et en dernier ressort le fait que Barbara « doit aller rapidement se faire soigner » ! Le garde ne comprend même pas que nous n’avons PAS de permis et que donc nous ne pouvons pas lui donner le NUMERO. Devant cet individu ultra-déterminé, le militaire va même nous appuyer lorsque nous essayons de négocier un permis pour deux… Au bout d’une heure nous finissons par céder et allons au bureau officiel, mais même ici personne ne parle anglais. En ultime recours un responsable confisque nos passeports et nous somme de rester 5 jours en attendant la décision de Katmandou ; à ce compte-là nous cédons !

 

Au bout du compte nous n’aurons jamais à payer pour notre séjour au Dolpo, juste pour l’entrée dans un parc national Népalais, donc on s’en sort bien ; mais leurs méthodes et le manque d’information sont assez déroutants, même si nous savons bien que nous voulions rentrer dans ce « jeu » là ! Allez, plus qu'une heure pour arriver à Dunai, la dernière, la plus longue, celle où tout d’un coup le sac pèse une tonne et les pieds s’entremêlent… Enfin 16 heures ! Au « Blue sheep hotel » nous essayons de nous faire une raison : pas d’eau chaude, pas de Net à cause des coupures de courant et vu le prix on ne va pas en abuser de toute façon ; pas de docteur non plus… Bon ce n’est pas la fin du monde, mais vu notre état on espérait mieux !

Publié dans Carnet de voyage

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
P
Quelles magnifiques photos!! Bon j'ai en ai pour 3 jours pour lire vos articles...Je rêve ou tous les articles sont arrivées en même temps...On pense à vous toujours et toujours...Bientôt une nouvelle couche dans Millepat Voyages pour remobiliser les lecteurs...
Répondre
B
Impressionnant, ce que vous faites... La qualité des photos est fantastique !
Répondre